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Auteur
Michel MENVIELLE


Dimanche 14 février 2021 – 6e Semaine du Temps – Lv 13, 1-2.45-46 ; Mc 1, 40-45

La renommée de Jésus se répand dans toute la Galilée. On vient vers lui, en portant malades et possédés. Il guérit de nombreux malades ; il expulse de nombreux esprits impurs (Mc 1, 32-34).

Voici qu’un lépreux vient vers Jésus et le supplie : « Si tu veux, tu peux me purifier. » Il enfreint la loi, qui lui impose de vivre à part, d’habiter hors du camp, et de crier « impur ! Impur ! » (Lv 13, 45-46). Contrairement aux foules qui ne parlent pas à Jésus et semblent l’enfermer dans une vision, réductrice, de guérisseur ou d’exorciste, ce lépreux lui parle et s’adresse à lui en reconnaissant sa liberté (« Si tu veux, … ») et son pouvoir (« …tu peux… »). Il introduit ainsi du nouveau, de l’inattendu, ce qui surgit d’une rencontre.

Marc nous dit que Jésus est remué dans ses entrailles. Touché au plus intime, il réagit d’un acte – il touche le lépreux, transgressant lui aussi la loi – et d’une parole : « je veux, sois purifié. »

« Et aussitôt la lèpre s’éloigna de lui, et il fut purifié. » Une parole, un geste, et cela advient. Cela semble bien loin de notre expérience quotidienne… Voire ! Ce récit d’une rencontre entre un homme qui veut se libérer d’une « impureté » qui entrave la force de Vie qui l’habite, et Jésus, qui l’accueille, l’écoute et le rejoint n’est-il pas signe que l’écoute de ce qui sourd de ce lieu intime où résident les forces de Vie qui nous habitent peut nous permettre d’éloigner l’« impur » qui empêche l’épanouissement de la Vie ? Signe qu’une relation en vérité peut libérer la Vie en chacun.

Aussitôt Jésus gronde[1] contre le « lépreux purifié ». Il le jette dehors, comme l’Esprit l’avait jeté dehors au désert après le baptême[2] (Mc 1, 12). Il l’invite à se retirer et à ne parler à personne avant de se faire voir par le prêtre, se conformant ainsi au rituel de purification (Lv 14, 2-32) pour vivre de nouveau au sein de la communauté. J’y entends que cet homme est invité à se retirer un temps dans la solitude et le silence, comme on se retire dans un lieu désert, pour ne pas être submergé par ce qu’il vient de vivre.

Au contraire, étant sorti, celui-ci se met à proclamer beaucoup, à divulguer la parole nous précise Marc. Divulguer, répandre la parole… Expression très peu fréquente dans les évangiles (3 occurrences), jamais utilisée pour Jésus alors qu’elle l’est pour la divulgation de l’explication des grands-prêtres pour le tombeau vide (Mt 28, 15). J’y entends que le « lépreux purifié » proclame sa guérison comme un héraut[3] qui répète le message d’un autre au lieu de proclamer sa propre parole. Bouleversé, il est comme « possédé » par ce qu’il vient de vivre et par la parole qui l’a purifié.

Quelle belle leçon de Vie ! Chacun a en lui la force de trouver le chemin pour libérer la force de Vie qui l’habite et aider l’autre à le faire, au travers de l’écoute et d’une ascèse personnelle.
 

Michel Menvielle

[1] Le verbe grec, qui a ici pour sens « gronder contre, s’irriter contre », exprime une forte émotion intérieure,

[2] Le verbe grec, qui a pour premier sens « jeter dehors de », est également utilisé en Mc 1, 12.

[3] Le verbe grec exprime la proclamation par un héraut. C’est donc le contexte qui indique de qui celui qui proclame est le héraut.